Les portraits de bateaux sont apparus au XVIIIe siècle, en Europe. Ce sont des œuvres à part au sein de la peinture de marine car leur but n’est pas commémoratif ou historique. Leur valeur est celle du souvenir. Jusqu’à l’invention de la photographie en 1839, c’était l’unique moyen de conserver l’image d’un navire.
Ces portraits étaient des œuvres de commande, chacun des éléments qui les composaient était déterminé au préalable. D’un certain point de vue ce sont des œuvres stéréotypées : le ciel, la mer, un décor et un navire de profil. Mais d’autre part elles représentent avec une exactitude chirurgicale les caractéristiques de chaque bâtiment. C’est la raison pour laquelle le terme « portrait de bateau » leur convient parfaitement.
On pourrait penser que l’apparition et le développement de la photographie aurait freiné puis supplanté la tradition des portraits de bateaux peints. Pourtant, ces derniers ont perduré. La photographie ne proposait à cette époque que des nuances de gris sur un format assez réduit, il est donc compréhensible que les commanditaires aient pu leur préférer des portraits colorés de grande taille. En fait, la photographie fut même d’une aide précieuse pour les peintres, car ils pouvaient ainsi travailler directement à l’atelier. Cela permettait aussi de réaliser un portrait des années après qu’un bateau ait disparu.
Des peintres réalisant ce type de portraits s’étaient installés dans la plupart des grands ports. On les nommais les « peintres du bout de la jetée ». On constate une grande diversité dans les techniques qu’ils employaient : le crayon, l’encre, l’aquarelle, la gouache ou l’huile. Ce savoir faire se transmettait souvent de père en fils. Les dynasties de ce genre sont nombreuses, on peut citer les Roux de Marseille, les Adam du Havre ou les Beken de l’Île de Wight. Au départ, ces peintres travaillaient principalement pour des officiers de la marine de guerre. Mais au siècle suivant, de plus en plus d’armateurs et de marins se sont mit à commander un portrait de leur embarcation.
De nos jours, ces œuvres sont souvent mésestimées. Ce sont pourtant de précieux documents qui sont parfois la seule image de navires disparus. Leur exactitude confie des informations précieuse aux historiens, comme la forme des coques, le plan des ponts ou encore l’évolution des gréements.
Les portraits de bateaux réalisés par Henry Kérisit sont nés d’un fort mouvement de redécouverte du patrimoine maritime à la fin du XXe siècle. Ils ont été diffusés par la revue Ar Vag, puis par le Chasse-Marée.
Leur réalisation est le fruit d’un travail de recherche important. L’artiste consulte des documents d’archive, des photographies et des images anciennes. Lorsque le bateau existe encore il l’observe sous tous les angles, prends des photographies adaptées. L’angle de vue est très important pour pouvoir respecter les proportions du navire. Les portraits qu’il exécute conjuguent à la fois l’approche technique et l’approche artistique du bateau.
Des artistes plus jeunes poursuivent ce travail de transmission à leur manière. Ils utilisent toutefois des moyens plus modernes tels que le dessin assisté par ordinateur et la reproduction imprimée. Le travail de l’infographiste Yannick Le Bris sur Brest en est un bon exemple.
Charles Barré, d’après Denis-Michel Boëll, Journal d’exposition, 2012